Depuis que les bandes armées font leurs lois dans la République d’ Haïti, aucune famille n’est épargnée. Aucune ville, aucun endroit et personne n’est à l’abri. Qui sait que le pays ne va pas trépasser ?
LE FACTEUR HAÏTI, le 20 Mars 2024._L’ancienne perle des Antilles vit actuellement des moments sombres. Même le citoyen lambda ne sait s’il doit en pleurer ou s’il doit prier pour que cela change. C’est un pays qui succombe. A Croix-des-Bouquets, par exemple, la vie est en mode pause. Elle reprendra quand ? Dieu seul sait. Depuis l’évasion des prisonniers dans la nuit du 3 au 4 mars 2024, cette ville devient un cimetière. Les policiers abandonnent les commissariats, les prisons sont vides, les banques sont dépouillées, les institutions étatiques , elles sont toutes vandalisées. L’Etat n’est plus présent.
En mai 2022, la Direction de la Protection Civile (DPC), a révélé, dans une enquête, que les affrontements sanglants, à Croix-des-Bouquets, ont fait 39 morts, 68 blessés et plus de 9 mille déplacés. Bien, après cette évasion, ce sont tous les habitants qui ont abandonné leurs maisons. Parmi les déplacés, un cas nous interpelle. C’est celui de Pierre Berlineda, mère de deux enfants, qui dort sur des places publiques depuis un lustre.
Avec ses deux enfants, et sans abris fixes, cette haïtienne porte en elle les séquelles d’une histoire tragique. On dirait traîner derrière elle tout le mal du pays. Sans arrêt, elle retrace les scènes inimaginables qu’elle vient de vivre. « Premièrement, j’étais habitée à l’entrée du village artistique Noailles, les bandits du 400 Mawozo nous ont forcés à fuir , ils ont menacé mon mari », « ils ont incendié notre maison « « j’avais dû quitter la zone », « ils nous ont poursuivi jusqu’à Santo 24 et ont exécuté mon beau-frère ». C’est du moins ce qu’on a pu retenir dans ces déclarations. Fatiguée, épuisée, madame Berlineda ne sait à quel saint se vouer. Pour celle qui n’a pas un lieu décent pour se poser la tête, parler est une thérapie. Au moins, elle se défoule, dit-elle.
Dans un appel à témoignages lancé, des internautes ont vanté les bontés du mari de la dame. Connu sous le nom de « Frè», Alix Aristude est un commerçant très populaire à Croix-des-Bouquets, au marché de Dargout. Persécuté, il a pris la poudre d’escampette pour sauver sa peau. Ce qui porte à croire que c’est la raison pour laquelle sa famille est autant poursuivie.
La famille Aristude est un exemple sur mille. Certaines personnes ont fui la guerre des gangs sans que leurs familles ne sachent où ils ont mis la tête. Certains d’autres n’ont pas eu la chance d’apporter avec eux de quoi manger ou s’habiller. Le récit est tragique, mais il s’avère vrai. Haïti est un pays qui chasse ses progénitures.
LE FACTEUR HAÏTI (LFH) / Junior LUC