La Ministre a.i de la Justice et de la Sécurité Publique, Me Emmelie Prophète Milcé a répondu le jeudi 7 Septembre 2023, aux questions du média français « Le Point » autour de la détérioration du climat sécuritaire en Haïti.Lors de cet entretien, elle admet que le pays fait face à des guérillas urbaines et responsabilise les États-Unis dans la prolifération des foyers de gangs en Haïti en raison du fait que les armes qui envahissent le marché caribéen est de fabrication américaine.
LE FACTEUR HAÏTI, le 8 Septembre 2023._Après avoir déclaré récemment que la République d’Haïti a perdu des territoires au profit des gangs, Emmelie Prophète Milcé a récidivé. Dans une coutte interview de accordée au journal étranger « Le Point », la Ministre a.i de la justice et de la sécurité publique a confié au média susmentionné que le pays fait face à des guérillas urbaines.
Pour soutenir sa déclaration, elle se refère à la violence armée du gang de « Gran ravin » sur certains quartiers de Carrefour-Feuilles où ses membres chassent des milliers de familles, pillent leurs maisons, notamment celles appartenant aux policiers avant de les incendier.
Sans langue de bois, la Ministre a indexé les États-Unis dans le chaos qui règne en Haïti depuis des lustres car les armes fabriquées au pays de Joe Biden envahissent le marché caribéen.
Emmelie Prophète Milcé a aussi passé en revue les conditions dans lesquelles l’armée et la police haïtienne travaillent face aux arsenals des gang. Selon elle, l’armée ne dispose ni d’armes ni de matériels tout comme la police qui, depuis son existence, n’a jamais disposé d’autant de moyens qu’aujourd’hui.
Lisez l’intégralité et la teneur de l’interview qu’elle a accordée au média « Le Point »!
Le Point : Pourquoi les gangs ont-ils réussi à prendre 80 % de la capitale haïtienne?
Emmelie Prophète : Les gangs sont très armés. Ils pillent, violent, volent. Haïti fait face à une grave crise politique depuis 2018 qui s’est aggravée avec l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021. Le gouvernement actuel n’a pas créé cette situation. Il essaie de réparer des dégâts qui ont été causés par le radicalisme des uns et des autres, radicalisme qui persiste d’ailleurs et se manifeste par un refus de s’asseoir autour de la même table pour trouver une solution à la crise. En Haïti, hélas, nous pouvons tout détruire, ensemble en un jour ; mais ensemble nous ne réussissons à rien construire. Depuis 1804, quand l’armée indigène a chassé l’Armée française, nous ne nous sommes plus mis ensemble pour faire d’autres conquêtes.
2 -Le Point : Pourquoi un État chargé de servir et de protéger le peuple ne donne-t-il pas à la police les moyens de s’attaquer aux gangs quand ceux-ci s’approvisionnent si facilement en armes et en munitions ?
Emmelie Prophète : La police nationale, quand elle a été créée, il y a vingt-huit ans, n’a pas été pensée pour faire face à des situations comme celles que nous vivons aujourd’hui. Nous faisons face à des guérillas urbaines. De plus, à cause des programmes américains TPS [Statut de protection temporaire accordé par les États-Unis aux Haïtiens depuis le tremblement de terre de 2021, NDLR] et Humanitarian Parole [initié par le président Biden, il permet à des personnes vivant aux États-Unis de se porter garantes pour permettre à des Haïtiens, des Cubains, des Nicaraguayens et des Vénézuéliens de venir travailler aux États-Unis, NDRL]. Nos administrations ont été décimées. Certaines ont perdu plus de 15 % de leur personnel, comme la télévision publique. La police a perdu beaucoup de membres. Le gouvernement a vu venir le problème et a demandé, en octobre dernier, une aide pour la police. Ce que certains ont appelé « une intervention étrangère ». Cette aide permettrait à la police de se professionnaliser pour devenir le corps approprié aux nouvelles formes de criminalité. Il s’avère, hélas, et cela fait partie des problèmes majeurs que nous avons, qu’il y a des porosités entre les policiers et les gangs. Il y a beaucoup d’efforts qui ont été faits pour contrôler l’arrivée d’armes et de munitions sur le territoire. Notamment au niveau de la douane de Port-au-Prince. Les armes viennent des États-Unis et envahissent le marché caribéen. Le sujet est récurrent dans les réunions de la Communauté caribéenne (Caricom).
3-Le Point : Pourquoi faire appel à une aide internationale quand l’armée haïtienne pourrait être requise ?
Emmelie Prophète : L’armée d’Haïti a été démobilisée après le retour du président Aristide, en 1994. Elle était notamment responsable de plusieurs coups d’État et accusée de violation de droits humains. Le président Michel Martelly, en 2011, a lancé l’idée d’une remobilisation. Il a été descendu en flammes. Le président Jovenel Moise, malgré une opposition farouche des uns et des autres, a quand même remobilisé le corps. Qui n’est jusqu’ici qu’un embryon. L’armée ne dispose ni d’armes ni de matériel. Dieu seul sait que nous aurions voulu qu’elle soit opérationnelle ! La police, elle, depuis son existence, n’a jamais disposé d’autant de moyens qu’aujourd’hui. Elle a eu 18 gros véhicules blindés ces 9 derniers mois, 30 véhicules blindés légers, 40 véhicules de patrouilles offerts par les États-Unis, 500 armes automatiques. À Carrefour-Feuilles, les gangs ont principalement brûlé les maisons des policiers. C’est une situation terrible. Si le gouvernement partait aujourd’hui, celui qui serait installé à sa place subirait le même sort. Nous sommes comme cela, a-t-elle conclu.
L’autrice des « Villages de Dieu » assure l’intérim du ministère de la Justice et de la Sécurité publique haïtien. Elle explique au « Point » le dénuement des institutions face aux gangs.https://www.lepoint.fr/monde/emmelie-prophete-en-haiti-nous-pouvons-tout-detruire-ensemble-en-un-jour-07-09-2023-2534535_24.php
LE FACTEUR HAÏTI (LFH)