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Haïti-Culture : Entre le slam et la poésie, Diddy-Skyman se fait encre

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S’il faut se faire injecter un quelconque produit, pourquoi ne pas choisir la poésie? Diddy-Skyman, poète-slameur, s’inscrit dans cette catégorie de dopés de la poésie. Le jeune Port-au-Princien Beetlear François, de son vrai nom, a débuté ses études classiques à l’école mixte Men Kontre, puis a vu son chemin académique se tracer vers les lycées; dans un premier temps au lycée Fritz Pierre Louis puis au lycée Anténor Firmin d’où il obtint son baccalauréat. À présent, il boucle sa licence en génie civil à l’Université Lumière (ULUM). Il a connu ses débuts dans la poésie grâce à son frère ainé, Christ-Olsen François. Certes, il n’est pas slameur comme lui, mais, il fut membre d’un groupe de poètes appelé Patriote. Il aimait voir son frère sur scène, participait aux séances de répétitions et mémorisait ses textes comme s’ils étaient siens. Ayant constaté un tel talent, son frère n’hésita pas à l’aider à intégrer le groupe. De là, il commença à déclamer jusqu’à ce qu’il le laisse pour le slam, son domaine de coeur.

Pour Diddy-Skyman, les qualités d’un vrai et bon slameur se résument à sa capacité à se faire sentir. Il est certes bon de se faire comprendre, mais le plus important c’est la transmission d’émotions à son auditoire, la faire vivre celles-là même qui traversent l’artiste. Il l’illustre avec ce moment de scène le plus marquant pour lui et qu’il qualifie de magique. Ce jour où il slamait pour sa mère dans l’assistance. Le texte parlait d’eux et les larmes coulaient à flots, tant de son côté que de celui de sa mère et des spectateurs.

Il est vrai qu’il aime tous les poètes et tous les slameurs, pourvu que leur travail soit bon, néanmoins, il a un penchant affectif pour les slameurs Abd El Malik, un français et Ca-langouw, un haïtien. Il partage les scènes de slam avec ce dernier et sont membres du même collectif, Caroidi slam. Caroidien un jour, Caroidien toujours! Caroidi ne l’empêche pas d’évoluer en solo. De plus, il n’est jamais seul, Caroidi est toujours présent dans ses projets. L’an dernier, le collectif s’est imposé avec le son « Isi gen komedi vre », qui leur a valu le prix du meilleur texte de slam de l’année. Ils ne veulent pas précipiter les choses. Cependant, ils ont des sons à poser.

Diddy-Skyman avoue qu’être slameur en Haïti n’est pas facile. C’est même très difficile car il n’y a pas vraiment une politique culturelle chez nous. De plus, le système non organisé engendre la primauté de la médiocrité. Aucune structure pour l’encadrer, lui qui s’adonne au slam-poésie. La production, la promotion de leurs travaux nécessitent beaucoup de finances et sans sponsors, ils ne peuvent pas gérer comme cela devrait être. Avec son staff, il essaie de faire de son mieux mais c’est difficile. Pour l’heure, Diddy-Skyman ne peut pas se statuer sur le slam pour son gagne-pain mais ça viendra. Parce que ça ne rapporte pas et qu’il travaille avec et dans plusieurs organisations dans le secteur du slam et qu’il s’investit à fond, il doit supporter le sermon de sa mère qui, pour la plupart du temps, se résume au fait qu’il doit arrêter et se concentrer sur autre chose. C’est ce qui fait que le pourcentage du soutien de sa famille varie parfois.

Malgré ces difficultés, il croit dur comme fer que le slam a beaucoup d’avenir en Haïti. Les différents festivals de slam-poésie, les nombreux concours par différentes organisations de slam, le gala de fin d’année et le concours de slam national organisés par la fédération haïtienne de slam poésie (FEHASP), fédération dont il est le président, leur participation à la coupe du monde de slam poésie à Paris pour une deuxième année consécutive, lui pousse à dire que le slam va bien. Tout n’est pas encore gagné pour clamer que ça va comme sur des roulettes. Il y a beaucoup à faire pour s’assurer que le mouvement soit éternel et non une tendance, comme il l’a souligné dans son dernier texte, Freeslam.

Cette année, il a des projets plutôt ambitieux pour sa carrière. Il s’est tut sur certains mais a annoncé un EP, en collaboration avec un poète haïtien qui vit au Canada, pour la fin du mois d’avril-ci. Cette collaboration doit se faire avec Impact Plus et Xavier. D’autres vidéos en plus de celui de Freeslam sorti il y a de cela quelques jours, la vente-signature du projet Beetsen, un méga concert et les 7 ans de Caroidi slam auquel il pense déjà. Il aime tous ses projets déjà en circulation, mais préfère « Isi gen komedi vre » et « Pinga w lase ».

Passion, travail, loyauté, sont les trois mots décrivant le slameur Diddy-Skyman. Il est un passionné de l’humour, cet autre domaine artistique qui pique sa curiosité. Il adore Gad El Maleh et Roman. Il est aussi un amoureux sans faille du football. Il développe de bons rapports avec ses fans et ceux-ci sont très réceptifs à ses réalisations et ne sont jamais déçus. Pour les nombreux jeunes avec aspiration de slameur, l’artiste s’est procuré la joie de leur dire d’aimer ce qu’ils font, d’y mettre toute leur force et âme, d’écouter les autres slameurs, d’assister aux scènes de slam. Par dessus toute chose, de se faire plaisir parce que ton plus grand fan n’est autre que toi. Tout comme Pierre Reverdy l’a si bien dit: « La poésie est à la vie ce qu’est le feu au bois. Elle en émane et la transforme ».

LE FACTEUR HAÏTI (LFH) / Sly Clde